Dans un contexte d’inflation structurellement plus élevée mais contrôlée, les investissements dans les actifs réels constituent la première ligne de défense pour préserver le pouvoir d’achat. L’immobilier résidentiel suisse, en particulier, bénéficie actuellement d’une augmentation de la population et du nombre de ménages ainsi que d’une offre limitée. Ce déséquilibre persistant entre l’offre et la demande entraîne une pression à la hausse sur les loyers des logements. Selon l’indice des loyers Homegate, les loyers suisses proposés ont nettement augmenté de 4,7% en 2023. De nouvelles hausses de plus de 2% ont également été enregistrées au cours des cinq premiers mois de 2024. Une comparaison avec le renchérissement annuel moyen de 2,1% en 2023 et le renchérissement de 1,4% en mai 2024 implique donc une augmentation réelle des revenus pour les propriétaires des logements qui ont pu être loués aux loyers actuels du marché.
Sur le long terme, cette protection contre l’inflation n’est toutefois pas toujours évidente et dépend de différents facteurs. Si l’on considère l’évolution de l’indice des loyers des logements anciens - calculé par la Banque cantonale de Zurich sur la base des loyers nets sans changement de locataire et de la dépréciation due à l’âge - cet indice n’a progressé que de 4,9% entre 2006 et 2023. Une comparaison avec la hausse de l’inflation de 8,7% sur la même période implique une baisse réelle des revenus pour les investisseurs. Cette évolution est due en premier lieu au recul du taux d’intérêt de référence, qui a baissé de 225 points de base entre 2008 et 2019. On observe toutefois de nettes différences régionales. Alors que dans la région de Zurich, l’indice des loyers des logements anciens a augmenté de 2,5% entre 2006 et 2023, ce qui est inférieur à la moyenne, des hausses de 7,5% ont été enregistrées dans la région lémanique. Les immeubles locatifs sans changement de locataire dans la région lémanique ont donc mieux suivi le renchérissement que ceux de la région zurichoise, où les baux ont été adaptés plus souvent qu’en Suisse romande. Depuis 2023, le taux d’intérêt de référence a de nouveau augmenté de 50 points de base, ce qui a maintenant entraîné une hausse des loyers supérieure à la moyenne dans la région de Zurich. Outre le taux d’intérêt de référence, les augmentations générales des coûts ainsi que 40% du renchérissement peuvent être répercutés sur les loyers. Le Conseil fédéral a toutefois ouvert à ce sujet une consultation sur une modification de l’ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux, qui n’autoriserait plus les augmentations générales des coûts et réduirait la compensation du renchérissement à 28%.
La protection contre l’inflation des immeubles collectifs s’est révélée évidente si l’on tient compte, en plus de la composante des revenus locatifs ou du rendement du cash-flow, du rendement de la variation de valeur. Selon le Switzerland Annual Property de Wüest Partner/MSCI, le rendement de la variation de valeur était de 3,3% par an de 2013 à 2022 et a ainsi contribué pour moitié au rendement total de 6,9% par an des immeubles d’habitation. Cette période a été marquée par la phase de taux d’intérêt bas avec des taux d’actualisation en baisse et des taux d’inflation faibles de seulement 0,3% en moyenne. L’année dernière, en raison de taux d’actualisation plus élevés, une variation de valeur négative marginale de 0,9% a dû être comptabilisée pour les objets d’habitation suisses, ce qui a conduit à un rendement total de 2,1% en 2023. En tenant compte de l’inflation, qui était également de 2,1% en 2023, l’immobilier résidentiel suisse n’a pas perdu sa distinction en tant que placement à valeur réelle, même après le changement de taux.